Ce fut annoncé sur l'air des lampions : les fonctionnaires d'Etat sont trop nombreux, il faut supprimer des postes. Soucieuses de satisfaire à cette maxime, de nombreuses municipalités se sont fait un plaisir de la mettre immédiatement en pratique sur le personnel de la fonction publique... territoriale. En bibliothèque ça peut donner quoi ?
* En premier lieu, les congés pour maternité ne font plus l'objet que d'un remplacement sur trois, voire sur quatre. Le personnel des bibliothèques étant toujours majoritairement féminin, les effets se font vite ressentir.
* Lors de départs pour mutation, certaines procédures de remplacement s'efforcent de battre des records dans la catégorie "course de lenteur". Parti vers d'autres cieux en mars dernier, l'un de mes responsables n'a toujours pas été remplacé à l'heure actuelle. Ses tâches étant dès lors dévolues aux autres responsables de secteurs, on note une tendance de ces derniers à délaisser leurs équipes, occupés qu'ils sont à combler les brèches.
Etant donné les nombreux postes vacants et l'accélération des départs de titulaires excédés, il ne reste qu'à embaucher moult vacataires pour maintenir l'établissement ouvert. C'est pratique pour l'employeur, les vacataires : payés des cacahuètes, ils peuvent être renvoyés d'un jour sur l'autre. C'est pratique pour l'Etat aussi : même après des mois de service, un vacataire remercié ne touchera pas un centime d'ASSEDIC. On comprend dès lors que la réforme Pécresse prévoit déjà que le personnel qualifié des bibliothèques universitaires puisse être remplacé par des vacataires.
Dommage qu'ils reste tant d'ombres à ce tableau idyllique. En premier lieu, la disponibilité du vacataire : ayant d'autres choses à faire dans sa vie que scanner des code-barres, le vacataire pourra parfois manquer à l'appel. S'il est étudiant, il a des partiels. S'il ne l'est pas, il cherche d'autres possibilités d'emploi Il arrive ainsi que le vacataire soit plus rapide que la direction et annonce de lui-même sa démission : soyons sport, c'est bien joué.
Autre point délicat : un vacataire, ça se forme. La formation demande du temps et... du personnel, ce qui peut vite devenir problématique quand ledit personnel est en sous-effectif. Deux possibilités :
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Condenser au maximum la formation : j'ai ainsi vu des nouveaux censés ingurgiter les systèmes de cotes, le plan de la médiathèque, le fonctionnement du logiciel et les aléas du service public en l'espace d'un après-midi. Autant dire que les titulaires passeront dans les semaines suivantes un certain temps à corriger les erreurs de rangement et les fausses manoeuvres des malheureux, ce qui est vite usant pour les nerfs.
* S'inspirer de l'exemple des entreprises avec les stagiaires, et
faire former les nouveaux vacataires par d'autres vacataires déjà rodés. Si, si.
Le miracle de ce système de fonctionnement est qu'il arrive fréquemment de pouvoir compter sur des vacataires efficaces, motivés et dynamiques. Mais arrive toujours le moment où ces valeureux éléments se lassent de leur statut et de leur maigre salaire, n'obtiennent pas la pérénnisation qu'ils mériteraient pourtant, et annoncent leur départ. Ce qui entraine de nouveaux appels aux volontaires, de nouvelles séances de recrutement, de nouvelles formations baclées et une pêche de vacataires beaucoup moins miraculeuse. Pendant ce temps un bon tiers des titulaires restants mitraillent leur CV aux quatre coins du pays, les départs non comblés entrainent une accumulation de documents non traités dans les bureaux (ce qui fait râler l'usager sevré de nouveautés), les projets restent lettre morte, les réunions ont des allures de batailles rangées, et les heures supplémentaires parfois nécessaires ne sont, comme le prévoit la loi, pas rémunérées.
Chouette ambiance.