samedi 15 mars 2008

Des usages autonomes : une utopie ?

Fût un temps où l'usager souhaitant prolonger le prêt d'un document devait affronter un véritable parcours du combattant. Il devait avoir précieusement conservé le minuscule pense-bête tamponné de la date limite de retour. Il devait venir en personne à la bibliothèque, sans oublier d'amener avec lui le document concerné sous peine de faire demi-tour. Ou, encore plus simple, il ne pouvait pas le faire.

Que propose-t-on aujourd'hui dans ma structure pour effectuer cette opération ? Il y a :
- l'indispensable pense-bête
- la possibilité de nous joindre par téléphone pour connaître les dates de retour de ses documents
- la possibilité de nous joindre par téléphone pour prolonger le prêt de ses documents
- la possibilité d'accéder à son compte-lecteur par Internet
- la possibilité de prolonger ses prêts par Internet
- l'envoi d'un e-mail automatique ou d'une lettre signalant immédiatement un document en retard

Bref, tout ce qu'il faut pour que l'usager heureux puisse gérer ses emprunts avec une liberté sans limites. Seul, comme un grand. Au-to-nome, comme avec son compte bancaire. La classe.
...
Et non. A en croire certains, il faudrait également les avertir une semaine avant la date de fin de prêt. Et à en entendre d'autres (en parfaite santé et en parfait état de marche), il serait bon que nous venions directement à leur domicile pour récupérer les précieux documents. Si ces requêtes ne représentent pas encore la majorité de nos usagers si mignons, elles démontrent que le chemin vers l'autonomie risque d'être encore long... Et que la notion de satisfaction recèle des trésors d'élasticité.

(A noter que j'ai déjà suggéré aux plus acharnés que nous lisions désormais les livres à leur place afin de leur faire gagner du temps. Et à ma plus grande stupéfaction, quelques personnes ont semblé enthousiasmées par une proposition aussi absurde)


1 commentaire:

Yvonnic a dit…

Bravo pour cette démonstration par la pratique. Elle nous amène bien aux limites de la logique du service "à distance".
Je pratique exactement tous les services que vous mentionnez, j'y ajoute meme l'avis de mise à disposition des réservations (avis qui est envoyé par courrier, ou par telephone ou par mail selon le choix que nous a indiqué le lecteur lors de son inscription).
Si nous voulions suivre le lecteur, nous dépasserions dailleurs allègrement les limites legales (CNIL), en archivant la liste des titres déja empruntés par un lecteur (souvent demandé, et pas seulement par les "personnes agées").

Je suppose, ou je préfère penser que la fin de votre billet relève de l'humour noir ou de l'anticipation ( venir chez eux pour récuperer les documents ? C'est réellement demandé ? ).

En tous cas,c'est, à mon sens, une piste de réflexion que devraient creuser les fanatiques du tout par le web. La notion de service semble dériver vers l'assistanat le plus total, qui, comme vous le précisez très bien, va à l'encontre de l'autonomie.Il s'agit mème de notions contradictoires.
Nous nous sommes laissé dépasser par la technologie, l'envie, légitime, d'accéler le service et de l'améliorer, notamment pour le plus grand nombre.
Et de permettre à distance, l'utilisation des services de la Mediathèque.

Fondamentalement, il n'y a pas de différence entre l'installation d'une boite de retour et ce que vous signalez. C'est juste une conception de la notion de progrès.

Je suppose que la boucle sera bouclée quand on pourra charger son livre de chez soi et le lire sur un support électronique quelconque.

Le problème est que cette lente dérive progresse insidieusement, ici ou là, dans un contexte, un air du temps, qui est celui du lecteur-roi, de la satisfaction maximale des besoins exprimés,de logiques de "bibliothèques-lieux de services étendus", de Charte Marianne, de rôle social...toutes choses qui ont néanmoins leur valeur.

Si l'on mèle à ces questions des problématiques, toujours présentes, sur la gratuité, la rentabilité (le "retour sur investissement" du moins), la recherche de nouveaux publics (notamment le deplacement du service vers les "publics empêchés", à travers le portage à domicile), les pratiques de "bibliothèques hors les murs",l'inflation des heures d'ouverture, etc... on voit bien que la dérive majeure, déja observée ailleurs dans la société, sera que nous n'aurons plus aucun argument, qui puisse être jugé comme sérieux, pour limiter cette course.
Fin des limites, puisque la technologie permet...La notion de satisfaction n'est pas seulement élastique (ça finit toujours par péter, un élastique), elle est infinie.
Comment pourrons nous argumenter sur le mode de l'autonomie devant des usagers pour qui la notion d'autonomie , pervertie puisqu'il s'agit d'assujettissement, sera concrétisée par "j'ai tout sur mon portable" .