mardi 24 mars 2009

Rencontres de l'ACIM : un point sur les aspects juridiques

L'ouverture de ces rencontres nationales a permis d'aborder en profondeur l'angle juridique des musiques en bibliothèques, sujet ô combien épineux : absence de "fair use", multiplication des jurisprudences, modifications législatives en cours... L'introduction de Gilles Vercken, avocat, et les débats qui ont suivi (notamment entre représentants de la SACEM, du SNEP, de juristes et de professionnels des bibliothèques) ont délimité assez clairement les possibilités que les lois sur les droits d'auteurs offrent aux bibliothèques en dehors du prêt : elles sont quasiment nulles.

- Le point "c'est-moi-qui-l'ai-fait" : sorti des œuvres tombées dans le domaine public (du moins jusqu'à l'extension programmée de la durée de protection des interprétations), tout est protégé. Chanson, texte, pochette, rien ne peut être communiqué ni présenté sur un site web sans l'autorisation expresse des ayant droits. Même dans le cadre d'une structure non commerciale, même dans un but de promouvoir l'artiste. Reste qu'en pratique, le risque d'être poursuivi pour affichage sauvage de pochette de disque est plutôt réduit.

- Le point pratique "deezer à la médiathèque" : comme je le craignais, l'affichage de playlists Deezer sur le site ou le catalogue d'une bibliothèque est légalement impossible, l'utilisation du service n'étant permise que dans le cadre du cercle de famille comme précisé dans les conditions générales du site (on sait que les bibliothécaires forment une grande et heureuse famille, mais tout de même...).

- Le point "vous-perdez-rien-pour-attendre" : interrogé au sujet de l'absence de rémunération concernant le prêt des disques en bibliothèques (contrairement à leurs petits camarades documentaires), M. SNEP a admis regretter que des problèmes de contrats propres aux artistes ne lui ait point permis de traiter ce dossier en temps voulu. Fort heureusement, la clarification de ces soucis internes va lui laisser tout loisir d'étudier de près la question du prêt en ligne dès que ce dernier se sera généralisé. Gare à nos fesses, les intérêts vont être à la hauteur.

- Le point "DADVSI et HADOPI, c'est beau la vie" : souvenez-vous de l'espoir qu'avait fait naître la mention d'une exception "Bibliothèques" au cœur du code de la propriété intellectuelle. En théorie, sont donc possibles les "reproductions spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des musées ou par des services d'archives, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct".
En pratique, cette autorisation est assortie d'une condition pour le moins floue : "ne pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur". Qu'un ayant droit signale son mécontentement lors d'une numérisation et l'exception deviendra aussi imperméable qu'un PC dépourvu de pare-feu. Et quand bien même, elle n'autorise que l'acte de reproduction... et non celui de communication au public, malgré une louable tentative d'amendement de la part de l'Association des professionnels de l'information et de la documentation (qui n'a cependant pas dit son dernier mot).

L'analyse de cet impressionnant arsenal législatif touchant à sa fin, les bibliothécaires musicaux présents ont pu savourer à sa juste valeur l'analyse de David El Sayegh, (directeur des affaires juridiques et prochain directeur général du Syndicat National de l'Edition Phonographique) : "Vous les bibliothécaires, vous êtes des très bons lobbyistes !"

Uh uh.



4 commentaires:

Pandore a dit…

pas d'Acim cette année pour moi. Non pas que le programme ne m'interesse pas, mais j'ai du me pencher sur les points juridiques dont tu fais le compte rendu. Mes conclusions vont vers les mêmes réponses que celles que tu évoques, et je n'avais pas envie de voir en direct le droit aller plus que la protection et se continuer à se barricader et s'enterrer dans des tranchées.

eric1871 a dit…

Selon ces messieurs-dames, nous n'avons droit qu'à la conservation... Point de communication-représentation-médiation et toutes ces sortes de choses. En plus de "l'exception bibliothèque", c'est "l'exception pédagogique" qui pourrait souvent s'appliquer pour nous et dont l'extension semble aussi problématique à obtenir.
Alors, tant mieux si nous sommes de bons lobbyistes, de toutes façons, les pratiques iront toujours plus vite que les lois supposer les encadrer

Pitseleh a dit…

J'ai l'impression que la seule conclusion à retenir pour les spectateurs a été : "Vous ne pouvez légalement pas faire grand-chose pour la communication donc allez y franchement, du moment que le public soit gagnant ne vous emmerdez pas". Pas sur que ce soit le but de M. SNEP.

Fonti a dit…

Bona nit,

C'est Josep Lluis, du group de musictecaris de Barcelona assistents als Rencontres.

Il m'aurait plu de te connaître personnellement à Paris. J'attends que nous ayons un autre opportunité.

Merci pour ton billet, qui m'aide a completer "the lost in translation moments" :-D

Superbe ton blog que je suive avec plaisir.

A bientôt.

Josep Lluís