jeudi 15 novembre 2007

J'ai testé pour vous... la réduction du personnel

Ce fut annoncé sur l'air des lampions : les fonctionnaires d'Etat sont trop nombreux, il faut supprimer des postes. Soucieuses de satisfaire à cette maxime, de nombreuses municipalités se sont fait un plaisir de la mettre immédiatement en pratique sur le personnel de la fonction publique... territoriale. En bibliothèque ça peut donner quoi ?

* En premier lieu, les congés pour maternité ne font plus l'objet que d'un remplacement sur trois, voire sur quatre. Le personnel des bibliothèques étant toujours majoritairement féminin, les effets se font vite ressentir.

* Lors de départs pour mutation, certaines procédures de remplacement s'efforcent de battre des records dans la catégorie "course de lenteur". Parti vers d'autres cieux en mars dernier, l'un de mes responsables n'a toujours pas été remplacé à l'heure actuelle. Ses tâches étant dès lors dévolues aux autres responsables de secteurs, on note une tendance de ces derniers à délaisser leurs équipes, occupés qu'ils sont à combler les brèches.

Etant donné les nombreux postes vacants et l'accélération des départs de titulaires excédés, il ne reste qu'à embaucher moult vacataires pour maintenir l'établissement ouvert. C'est pratique pour l'employeur, les vacataires : payés des cacahuètes, ils peuvent être renvoyés d'un jour sur l'autre. C'est pratique pour l'Etat aussi : même après des mois de service, un vacataire remercié ne touchera pas un centime d'ASSEDIC. On comprend dès lors que la réforme Pécresse prévoit déjà que le personnel qualifié des bibliothèques universitaires puisse être remplacé par des vacataires.

Dommage qu'ils reste tant d'ombres à ce tableau idyllique. En premier lieu, la disponibilité du vacataire : ayant d'autres choses à faire dans sa vie que scanner des code-barres, le vacataire pourra parfois manquer à l'appel. S'il est étudiant, il a des partiels. S'il ne l'est pas, il cherche d'autres possibilités d'emploi Il arrive ainsi que le vacataire soit plus rapide que la direction et annonce de lui-même sa démission : soyons sport, c'est bien joué.

Autre point délicat : un vacataire, ça se forme. La formation demande du temps et... du personnel, ce qui peut vite devenir problématique quand ledit personnel est en sous-effectif. Deux possibilités :

* Condenser au maximum la formation : j'ai ainsi vu des nouveaux censés ingurgiter les systèmes de cotes, le plan de la médiathèque, le fonctionnement du logiciel et les aléas du service public en l'espace d'un après-midi. Autant dire que les titulaires passeront dans les semaines suivantes un certain temps à corriger les erreurs de rangement et les fausses manoeuvres des malheureux, ce qui est vite usant pour les nerfs.

* S'inspirer de l'exemple des entreprises avec les stagiaires, et faire former les nouveaux vacataires par d'autres vacataires déjà rodés. Si, si.

Le miracle de ce système de fonctionnement est qu'il arrive fréquemment de pouvoir compter sur des vacataires efficaces, motivés et dynamiques. Mais arrive toujours le moment où ces valeureux éléments se lassent de leur statut et de leur maigre salaire, n'obtiennent pas la pérénnisation qu'ils mériteraient pourtant, et annoncent leur départ. Ce qui entraine de nouveaux appels aux volontaires, de nouvelles séances de recrutement, de nouvelles formations baclées et une pêche de vacataires beaucoup moins miraculeuse. Pendant ce temps un bon tiers des titulaires restants mitraillent leur CV aux quatre coins du pays, les départs non comblés entrainent une accumulation de documents non traités dans les bureaux (ce qui fait râler l'usager sevré de nouveautés), les projets restent lettre morte, les réunions ont des allures de batailles rangées, et les heures supplémentaires parfois nécessaires ne sont, comme le prévoit la loi, pas rémunérées.

Chouette ambiance.


9 commentaires:

Erwan a dit…

Apparemment une bibliothèque et un hôpital (où je travaille) fonctionnent de la même façon alors...

Sophie Bib a dit…

Ah bon on travaille dans la même bibliothèque sans se connaître ?
;-)

Anonyme a dit…

La vraie réduction de personnel dans les bibliothèques viendra quand nos dirigeants finiront par craindre que lire pourrait faire réfléchir les gens...
On remplacera alors les bibliothèques par des TF1thèques beaucoup moins couteuses en personnel.
Après il sera temps de s'occupper des écoles...

Anonyme a dit…

La situation que vous décrivez est particulièrement juste. Elle est la même dans les bibliothèques municipales. Sauf que là, on assiste également à des compressions de budgets dans de très nombreuses mairies.

Pitseleh a dit…

@Lyle : Si danger il y a, il viendra assurément du côté économique. Baisse des prêts conjuguée à la mise en place d'une position viable sur le téléchargement en ligne égalera gel des aquisitions et des budgets.

@Keynamme : Je travaille actuellement dans une bibliothèque municipale et je n'ai, en fait, que peu d'informations sur la façon dont fonctionnent les BU au quotidien. Mais le maintien de l'officialisation de la "vacatisation" de leur personnel (et ce malgré un amendement déposé) aura assurément des conséquences funestes...

AM a dit…

A croire que les bibliothèques ne méritent pas de véritables professionnels pour fonctionner.

Il semble que dans la conscience collective des faiseurs de loi (et de bien d'autres), bibliothécaire n'est pas un métier.

C'est quoi déjà un bibliothécaire ? Ah oui, c'est celui qui lit des livres toute la journée... ;)

Yvonnic a dit…

@am
Dans la conscience collective française le bibliothécaire est assimilé à une vieille dame bénévole, souvent institutrice en retraite, oeuvrant dans un esprit charitatif, le plus souvent avec des dons issus de la générosité populaire. C'est une image gravée dans nos trefonds. C'est ce que j'ai connu étant gamin, en milieu urbain.

Bon, nostalgie quand mème, odeurs sèches,plancher de bois, bibliothèque verte, premiers Picsou déchirés, sniff.

Mais quand mème, le plus étrange c'est que je retrouve cette meme réalité en milieu rural trente ans après. Nos élus ont aussi cette image présente en tête. C'est normal. Et puis c'est pas cher. Et les BDP sont passées par là depuis, pour améliorer l'ordinaire.
Alors ?
Alors, dans l'inconscient populaire, effectivement ce n'est pas un métier, c'est une occupation. Ce n'est pas du tout le cas dans les pays anglo-saxons ou scandinaves. Question de culture protestante peut-être.

Dans un de mes premiers postes, une dame, qui ne venait que le samedi (ceci explique celà :) m'a demandé un jour quelle était ma profession. Après un choc, je lui ai fait comprendre que c'était mon métier. Elle n'en revenait pas . Elle pensait que je venais le samedi, benevolement, faire ma BA.
En plus, étant un homme, c'était encore plus étrange pour la brave dame.
Ce n'est pas tant la "conscience collective des faiseurs de loi" qui est en cause mais l'inconscient collectif du peuple qui les choisit.
Et le problème, souligné par Lyle et leunamme, c'est que cet inconscient collectif se nourrit actuellement à une autre source, celle des économies budgétaires et du misérabilisme. On est loin des années 80 où l'on a créé plus de 500 structures en moins de 10 ans.

Une phrase-clé, que je me répète chaque jour quand le doute me prend sur notre image publique : En démocratie, on a les services publics que l'on mérite. (ce n'est pas de moi). ça a l'air tout bébête, mais c'est énorme.

Une autre, mais pour rire (bon...): Si vous n'aimez pas la France, quittez la.

J'ai une copine qui, après la suppression de son poste (pour des raisons économiques déja...), est partie au Québec. Elle y est finalement devenue illustratrice d'albums jeunesse.

Gardez toujours prête votre valise sous le plumard. On ne sait jamais.

Pitseleh a dit…

Héhé ça tombe bien, j'ai commencé les démarches pour aller faire une excursion très longue durée au Quebec...

Je suis on ne peut plus d'accord en ce qui concerne la situation des bibliothèques rurales dont à peu près tout le monde, des élus aux " têtes chercheuses de la bibliothéconomie" semble n'avoir rien à faire. Bénévoles, dons et bricolage semblent l'apanage de ces structures qui affichent pourtant des taux d'inscriptions à faire pâlir nombre de grandes médiathèques. Et les gens semblent trouver ça normal. En ce qui me concerne on ne m'a pas encore pris pour un bénévole, mais étant donné mon âge je me vois régulièrement confondu avec notre équipe de vaillants vacataires.

M.A. a dit…

J'ai les mêmes à la maison, tout pareil. On en est à tellement de recrutements retardés que là ils lancent une annonce collective avec pas moins de 10% de la masse globale de personnel à recruter.

C'est dire si on va être grillés comme collectivité problématique sur Biblio.Fr...

Même les lecteurs nous font remarquer notre "turn over"...

La honte!!!!!!