dimanche 12 novembre 2006

Médiathèques : et si on oubliait un peu la dématérialisation ?

A l'heure des grands débats sur le tout-mp3 il me semble clair que les discothécaires doivent avoir d'autre priorité que celle de participer à la mise à mort du support disque, tant le retard des médiathèques françaises en matières d'autres supports musicaux demeure inquiétant. Dès 1995 Michel Melot, Président du Conseil supérieur des bibliothèques, soulignait le problème dans son rapport annuel :

Non que les discothèques de prêt ne connaissent en France un succès grandissant [...], mais ce succès somme toute facile n'est que rarement accompagné d'un effort pour intégrer ce prêt des disques dans un ensemble documentaire cohérent de livres, de périodiques, et surtout d'une collection conséquente et raisonnée de partitions musicales [...]. De tels services répondent parfaitement aux missions des bibliothèques de lecture publique. Ils sont les exemples les plus incontestables du rôle que peuvent jouer les bibliothèques publiques dans l'intégration sociale. Ils sont enfin l'illustration même de ce que devrait être une "médiathèque".

Dix ans plus tard, ce cri d'alarme a-t-il été entendu ? Ce n'est pas gagné... Prenons le cas des partitions, toujours placée en zone sinistrée selon les statistiques de la Direction du Livre et de la Lecture en 2002. Jugez plutôt : sur 1473 bibliothèques municipales prêtant des disques, 252 disposaient d'une collection de partition (17,1%) dont seulement 155 disponibles au prêt. Pire encore, sur ces dernières, 49 affichaient une collection négligeable de moins de 100 partitions, 55 en possédaient de 100 à 500 et 38 de 500 à 1000. En définitive, seules 39 bibliothèques municipales se démarquaient par un fonds de plus de 1000 partitions.
Souvent considérées comme coûteuses et difficiles à acquérir (je m'inscris en faux) autant qu'à cataloguer (idem), réduites à la portion congrue, les partitions ne font toujours pas partie des priorités budgétaires. Il est pourtant du rôle des médiathèques d'accompagner et d'encourager les pratiques musicales par la mise à disposition de partitions et de méthodes instrumentales...

Quant aux livres ils sont certes mieux lotis, mais ce n'est pas encore la panacée tant les collections apparaissent souvent comme réduites et vieillissantes. Il est vrai que l'édition française ne facilite guère la tâche, notamment dans le domaine du rock et des musiques populaires (quelques brillantes exceptions mises à part), comme le relève l'ouvrage Musique en bibliothèque :

Il faut reconnaître que la structure de la production éditoriale rend difficile la constitution d'une offre de prêt vraiment attractive : comparée en effet à la production anglaise ou allemande, l'édition de livres sur la musique ne représente qu'un tout petit secteur, globalement assez peu dynamique, jugé souvent peu rentable par les quelques maisons qui s'y consacrent encore. L'offre disponible a souvent tendance à se répartir entre des produits de médiocre qualité et des publications musicologiques savantes destinées à un public de spécialistes.

On ne rappellera pourtant jamais assez l'importance des encyclopédies musicales, des essais et des biographies dans la démarche de découverte. A quoi sert pour une médiathèque de posséder la discographie intégrale des Zombies si l'usager curieux n'a aucun moyen de connaître leur existence ? Quel est l'intérêt d'accumuler les enregistrements du label Stax ou de Captain Beefheart si ceux-ci ne peuvent être replacés dans un contexte musical, social et historique qui explique leur importance vitale ?

Cessons de courir après Google, la Mule et Universal, proposons une offre culturelle que les usagers ne pourront guère trouver ailleurs tant ces documents marquent une tendance nette à s'évaporer des références disponibles en librairie. Et n'oublions pas le sens premier du mot bibliothèque.




3 commentaires:

Anonyme a dit…

en un mot comme en cent : oui.

Yvonnic a dit…

Ouais! La Fnac a annoncé qu'en 2010 elle cesserait de vendre des CD. Le CD aura duré 20 ans. Mais il est fini, mort, c'est plié de chez foutu. Va pas être content Melot. Alors effectivement vive les partitions et l'imprimé en général. Au fait, on va en faire quoi de nos CD ? 2010 messieurs, la meme année que la loi promise sur les bibliothèques. Le grand changement. Et les discothécaires, meme quebequois, on en fait quoi mh?
On les échange contre des vinyles ?
Bonne nuit.

Pitseleh a dit…

Ah bah ça y'est, 2010 est là. Et au rythme où ça va c'est le vinyle qui va survivre au CD (à ma grande satisfaction).