mercredi 20 mars 2013

où je parle de Johnny Marr, de ma guitare, et de la façon dont ils se sont rencontrés

En 2003, j'avais vingt ans. Les études m'avaient emmené du côté de l'agglomération bordelaise. La ville offrait son lot de concerts et si besoin Paris, Bruxelles ou Perpignan n'étaient jamais trop loin. Dix ans plus tard j'ai beau multiplier les weekends londoniens, le fait est que je râle dès qu'il s'agit de pousser jusqu'à la Flèche d'or. J'avais consacré 90 euros de mes économies à l'achat de ma première guitare folk, une Dallas aussi humble que bien disposée à subir mes maladroites tentatives de jouer "Live Forever". J'écrivais aussi beaucoup, au point d'avoir contribué à créer un fanzine papier. Et le fan transi que j'étais n'avait peur de rien et n'hésitait pas à appeler salles et tour managers pour obtenir ses premières interviews. The Pretty Things et April March figurent encore aujourd'hui sur une cassette à jamais fichée dans un vieux dictaphone.

A l'époque The Smiths m'accompagnaient en permanence, pour le meilleur comme pour le pire. Et c'est dans ce contexte que fut publié le premier véritable album solo de Johnny Marr, soit Dieu en personne. De méventes en concerts annulés, sa tournée française se réduisit bientôt à un arrêt nantais ; qu'importe, billets de train et hôtel furent réservés en un tour de main. Rendez-vous pris pour le 27 mars. Sans projet d'interview mais avec un feutre argenté en poche et une guitare sur le dos. 
En y repensant il n'est même pas étonnant que je me sois retrouvé seul devant l'Olympic à une heure aussi stupidement avancée, les énormes dates d'Oasis à Wembley m'ayant donné de fausses idées quant à l'heure d'arrivée décente à un petit concert printanier. Le début d'après-midi n'entrait clairement pas dans ce cadre. C'est grâce à un régisseur mille fois remercié que la suite se produisit. Me proposant tout simplement d'entrer, il me permit d'assister à mes premières balances... que j'ai prises comme un mini-concert dont j'étais le seul spectateur, témoin discret se tenant gauchement au fond de la salle. Les réglages terminés, le régisseur me proposa d'amener ma guitare backstage afin qu'elle obtienne la signature tant espérée. Il partit avec au pas de course... et revint alors que je hochais encore frénétiquement la tête. La caisse était toujours désespérément vierge.
"C'est bon, il arrive en fait".
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Bienvenue dans la quatrième dimension, dans le merveilleux paradis des sucettes géantes, dans un monde féérique où Johnny Marr va arriver les mains dans les poches pour dédicacer une pauvre guitare folk à un gamin transi. Normal, parfaitement normal. Il arrive d'ailleurs, souriant, et descend de scène pour venir à ma rencontre et me serrer la main. Je n'ai aucune idée de ce dont nous avons pu discuter, à plus forte raison quand ma maîtrise de l'anglais à l'époque était aussi enthousiaste que totalement chaotique. Tout juste puis-je me souvenir que l'émotion ressentie ne m'a pas empêché de tenir la conversation et de conserver un minimum de dignité. Le voilà finalement qui appose soigneusement sa dédicace sur ma chère guitare... oh, comme ça en valait la peine de la trimbaler tout au long du Bordeaux-Nantes. Et le voilà qui... l'accorde. C'est gentil, je ne dis pas, mais quelle drôle d'idée. Et ayant remarqué mon t-shirt Oasis le voilà qui... se met à jouer une chanson de ses potes mancuniens. Johnny Marr joue sur MA guitare, pour moi. La quatrième dimension de tout à l'heure était une vaste rigolade. Je ne sais pas exactement dans quel monde un Johnny Marr vous chante la sérénade mais j'ai fichtrement envie de m'y installer ad vitam eaternam. Histoire d'en rajouter une couche, cerise sur le gâteau, j'ajoute ma voix à ces cordes qui n'ont jamais aussi bien sonné. Peur de rien le gamin, autant profiter au maximum de ces incroyables trois minutes qui s'achèvent en me laissant totalement béat. Je récupère l'instrument désormais baptisé et Dieu prend gentiment congé en se retournant vers les quelques journalistes présents. Plus personne ne me prête attention, j'en profite pour laisser éclater ma joie avec un grand bond... sauf que Marr me fait déjà face à nouveau, rigolard, en me tendant son médiator. Au revoir, dignité.

Le concert lui-même ne pouvait soutenir le niveau. Peu de souvenirs autres qu'un moment agréable devant un public clairsemé. Who cares? J'ai toujours cette guitare et je n'en ai jamais eu d'autres. Je continue à jouer maladroitement Eighties Fan, Asleep On a Sunbeam ou The Importance Of Being Idle... et je la perds rarement des yeux. Encore merci Johnny.
 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Those were the days, my friend.
Merci pour ce délicieux article !