jeudi 6 novembre 2008

"Vous pouvez emprunter plus !" : test grandeur nature

Comment contrer la baisse constatée des prêts en bibliothèque tout en facilitant la vie des usagers ? Plusieurs structures tentent le pari des prêts illimités. Dans la même optique, la médiathèque de votre serviteur a modifié ses règles de façon drastique : a une limitation de X documents par support (X partitions, X livres, X revues, X chats tigrés...) succède un quota global de 30 documents au choix, à l'exception des vidéos dont le fonds ne pourrait soutenir la demande. Deux mois ont passé, permettant d'entrevoir l'impact de ce changement.

A tous seigneurs tout honneur, commençons par le point essentiel : les usagers sont ravis. Un peu sur la défensive de prime abord ("Mouais, il ne va plus rien rester dans les bacs !") ils ont très rapidement adopté cette liberté nouvelle, avec un appétit particulier pour les enfants (qui repartent avec des piles de BD et le sourire jusqu'aux oreilles), les mélomanes et les emprunteurs convulsifs.

Du point de vue statistique, deux tendances se dégagent :
1) Les prêts explosent. D'une hausse de 10% dès le premier mois, ils ont ensuite crevé le plafond avec un bond de 30% sur l'ensemble des secteurs... soit 10.000 prêts de plus qu'en octobre 2007. Jolie performance.
2) Le nombre d'usagers actifs régresse de façon plus légère mais néanmoins nette. Logique : si 30 documents suffisent à un couple ou à une famille, inutile pour eux d'utiliser une carte par personne puisqu'un seul abonnement commun suffira. Pas comme ça qu'on arrivera au niveau des Canadiens.

Du côté des fonds, source d'inquiétude chez certains usagers, la demande est plutot bien absorbée... dans la mesure où la taille des collections le permet. Il va sans dire qu'une collection de 250.000 documents sera mieux à même d'encaisser une telle hausse des prêts que les fonds nécessairement réduits d'une petite structure, notamment rurale.
Point positif : moins encombrés, les bacs et les étagères respirent mieux... ce qui encourage les usagers à fouiner, et par conséquent à emprunter plus.
Point à surveiller : si les documents confidentiels profitent également de la hausse des prêts, il va sans dire qu'une large partie des demandes se concentre sur les références les plus connues qui deviennent ainsi plus difficiles à obtenir. Le "doublonnage" des best sellers ne suffit pas toujours à satisfaire le public, et la généralisation de ce procédé pourrait déséquilibrer les acquisitions... à moins d'une augmentation des budgets qui n'est pas prévue au programme.

Et du côté des bibliothécaires ? Bien que ravis d'un tel succès, ils se retrouvent face à ses effets pervers : augmentation brutale des flux à gérer (bien le bonjour au papa mélomane qui emprunte et ramène pas moins de 80 disques à chaque visite), risque accru de tennis elbow, multiplication des erreurs d'enregistrement de documents, allongement des files d'attentes. Le contexte n'étant guère propice à l'embauche de bras supplémentaires, il devient nécessaire de surveiller de près l'aménagement des plannings pour éviter à votre serviteur de périr étouffé sous une avalanche de rééditions Stax.

(Ce qui serait une belle mort cela dit).


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